Résumé de l’article de NA Steen & Coll – Preventive Veterinary medicine 233 (2024) 106361
Contexte et Objectif
Cette étude approfondit les associations longitudinales entre le bien-être des éleveurs et celui de leur bétail, basée sur des données de fermes norvégiennes spécialisées dans l’élevage de bovins, d’ovins et de porcins (2017-2020). Elle s’appuie sur l’approche “One Welfare”, soulignant l’interdépendance entre le bien-être humain et animal. L’échantillon comprend plus de 700 fermes et analyse les données d’enquêtes de santé des éleveurs ainsi que des indicateurs de bien-être animal collectés lors des inspections d’abattoirs, couvrant plus de 480 000 animaux.
Résultats Chiffrés et Clés
Indicateurs du Bien-être des Éleveurs
- Symptômes d’anxiété : Observés chez 12,9 % des éleveurs.
- Symptômes de dépression : Identifiés chez 7,9 % des participants.
- Détresse psychologique : Affectant 10,6 % des éleveurs.
- Faible satisfaction de vie : Rapportée par 12,4 % des individus.
Ces troubles reflètent un contexte de stress lié à des responsabilités élevées, des incertitudes économiques et des exigences réglementaires accrues.
Indicateurs de Bien-être Animal
Les données des abattoirs ont permis d’évaluer divers indicateurs :
- Arthrite : Prévalence de 0,3 % chez les agneaux et 1,5 % chez les porcs.
- Infections thoraciques : Taux atteignant 4,9 % chez les porcs.
- Lésions de la queue : Cas chroniques dans 6 % des porcs.
- Propreté des bovins : 3,3 % des bovins étaient modérément sales, et 2,3 % très sales.
Liens Entre Bien-être des Éleveurs et Bien-être Animal
Analyse des Corrélations
- Détérioration du Bien-être Animal : Les fermes gérées par des éleveurs affichant un faible bien-être ont présenté une baisse significative des scores de bien-être animal sur deux ans. Les écarts moyens observés étaient :
- Anxiété : −0,22 d’écart à la médiane des scores de bien-être.
- Dépression : −0,21 d’écart à la médiane.
- Détresse psychologique : −0,19 d’écart.
- Faible satisfaction de vie : −0,23 d’écart.
- Temporalité et Effets Persistants :
- Une dégradation des indicateurs de bien-être animal était notable dès la première année suivant l’apparition des troubles psychologiques chez l’éleveur.
- L’effet persiste au moins deux ans, confirmant une relation à long terme entre les conditions psychologiques de l’éleveur et le bien-être du bétail.
- Exemples de Cas :
- Une ferme moyenne d’élevage ovin envoyant 122 agneaux à l’abattoir pourrait observer 4 cas de pneumonie au lieu de 3 dans une période de deux ans.
- Une exploitation porcine moyenne envoyant 753 porcs pourrait constater une augmentation de 6 cas de lésions de la queue sur deux ans.
Méthodologie et Approche
Sélection des Fermes
- Inclusion de 328 fermes remplissant des critères stricts de stabilité des activités et de participation des éleveurs aux enquêtes.
- 70 % des éleveurs ont complété l’échelle HADS pour évaluer leur bien-être psychologique.
Évaluation du Bien-être Animal
- 13 indicateurs standardisés ont été utilisés, couvrant la santé, les blessures et la propreté des animaux.
- Les scores étaient calculés en fonction des performances relatives de chaque ferme.
Forces et Limites
Forces
- Étude à grande échelle couvrant plus de 480 000 observations animales.
- Standardisation rigoureuse des données pour minimiser les biais.
- Méthodologie longitudinale permettant d’examiner les tendances temporelles.
Limites
- Absence d’observations directes des pratiques des éleveurs.
- Indicateurs de bien-être limités aux données des abattoirs, sans prise en compte des comportements naturels des animaux.
- Facteurs de confusion possibles (taille des fermes, conditions météorologiques).
Implications et Recommandations
- Pour les Politiques :
- Renforcer les programmes de soutien à la santé mentale des éleveurs pour améliorer la durabilité des élevages.
- Intégrer des politiques combinant bien-être humain et animal dans le cadre “One Welfare”.
- Pour la Recherche :
- Développer des études explorant des indicateurs comportementaux et des données qualitatives sur le bien-être animal.
- Examiner les impacts de variables supplémentaires telles que la formation des éleveurs et les pratiques de gestion.
Conclusion
Cette étude met en lumière l’interrelation entre le bien-être psychologique des éleveurs et le bien-être animal. Les données révèlent que des troubles chez l’éleveur entraînent une dégradation mesurable des conditions de vie du bétail. L’approche “One Welfare” apparaît essentielle pour garantir des systèmes de production à la fois éthiques et viables.